[Critique Jeux vidéo] – Raging Justice

Voici la critique de Michel Alepins du jeu Raging Justice pour PC (Steam).

Si comme moi vous êtes nés dans les années 80, vous avez connu une lignée de jeux vidéos d’un genre que l’on appelle en anglais le Side-Scrolling Beat’em up. Sans réelle traduction, on peut décrire ce genre comme un jeu de combat à progression latérale. Le plus connu des origines du genre étant évidemment Double Dragon au Nintendo Entertainment System, le genre a vécu plusieurs types de transformation, parfois plus cartoonesque comme Teenage Mutant Ninja Turtles 2 (NES), Battletoads (NES) ou plus bédéistique comme Maximum Carnage (SNES), allant jusqu’à filmique dans les cas de plusieurs jeux de Batman. Dans la plupart des cas, les side-scrolling beat’em up partagent plusieurs caractéristiques, outre le combat et la progression latérale, il s’agit souvent de titres qui vont moins s’intéresser au scénario qu’à l’action, se baser sur la même forme de combat escaladant du un à un à la mêlée, tout en choisissant les contrôles, l’utilisation de l’environnement et des armes, les mouvements spéciaux et l’esthétique dans ce qui ressemble aujourd’hui à une banque de donnée du genre.

Dans Raging Justice, vous contrôlez, à votre choix, trois personnages décidés à nettoyer la ville des gangs de rue et de la corruption. Tout simplement. Le premier, un dur à cuir lourd et puissant, la seconde une jeune femme plutôt rapide et aussi forte et le troisième personnage, ado, rapide mais sans trop de force physique. Pour le reste, c’est à peu près seulement du coup de poing et du coup de pied.

Raging Justice fait penser à un amalgame de tout ce qui a été fait en terme de beat’em up dans les années 80 et 90 en apportant quelques éléments d’autres genres, mais en n’allant jamais vers la réelle innovation. Un scénario de base à la Street of Rage (SEGA Genesis), des adversaires basées sur quelques avatars aux palettes de couleurs différentes, presque tout droit sortis de Maximum Carnage (SNES), mais remis à la mode gang de rue caricaturale des années 2000, une esthétique d’animation des personnages étrangement réminiscente des premiers Mortal Kombat (SEGA Genesis) avec une meilleure résolution, et quelques effets (personnage qui tourbillonne, adversaires à moto) qui remettent tout de suite en mémoire votre dernière partie de Teenage Mutant Ninja Turtle 2, même si cela fait plus de 20 ans.  Bref, on n’invente rien du tout, un élément d’animation qui est peut-être intéressant est un espèce de flou dans les mouvements rapide qui donne un effet visuel que j’ai rarement vu et qui ajoute tout de même à l’expérience du jeu même s’il s’agit uniquement d’un effet visuel. L’utilisation des armes et des objets de l’environnement est convenu et fatigant de nécessité, une fois que vous avez compris que l’utilisation du mouvement spécial vous arrache un morceau de votre énergie alors qu’il est pratiquement impossible de se sortir d’une mêlée sans ce mouvement, vous comprenez aussi que les coups de poing et coups de pied ne sont pas suffisant pour compléter le jeu et que l’utilisation constante des armes qui brisent après quelques coups devient essentielle. Ce qui était un traditionnel beat’em up devient alors une chasse constante à l’arme doublée d’évitement constant des ennemis (qui eux aussi vont utiliser et lancer des armes et des objets) et ça peut devenir frustrant. Le jeu comporte d’ailleurs plusieurs niveaux de difficultés dont le plus facile rappelle le niveau par défaut des machines d’arcades, soit parfaitement balancé pour vous laisser progresser sans vous laisser gagner facilement et en multipliant les “Continues” plutôt que les vies, ce qui, dans le jeu comme tel, ne fait aucune différence puisque, une fois toutes les vies perdues, vous avez simplement la possibilité de recommencer au même endroit comme si vous aviez perdu une vie. Dans un monde d’arcade, on sait très bien qu’on vous inciterait à glisser une autre pièce, ici, on y voit plutôt une décision esthétique qu’utile. Une fois toutes les vies et “Continues” épuisés, on vous donne la possibilité de recommencer n’importe quel niveau avec le maximum de vie et d’énergie que vous avez eu pendant l’exécution du niveau en question. C’est-à-dire que si vous avez commencé votre dernier niveau à l’article de la mort, il faut recommencer avant pour avoir une chance et que si vous avez eu un coup de chance et que vous avez joué quelques niveaux avec peu de vie et de “Continues”, il vaut probablement mieux recommencer tout de suite. Le truc étant de recommencer un niveau dès que vous avez l’impression d’avoir perdu trop de vie pour être en mesure de commencer le prochain avec assez d’énergie en banque pour finir le jeu, un élément stratégique qui, même si quelque peu frustrant, reste tout de même intéressant.

Le jeu est cependant horriblement répétitif, alors qu’on essaie d’intégrer des éléments différents aux combats comme l’utilisation de véhicules, la possibilité de faire une arrestation plutôt que de battre l’ennemi à mort quand celui-ci est étourdi (ce qui donne un bonus d’énergie sous forme de nourriture), on revient toujours au simple coup de poing et coup de pied qui, et ici il faut faire attention, dépendamment du personnage va prioriser l’ennemi par terre à l’ennemi devant vous, laissant une ouverture à votre assaillant. Plus précisément, si vous jouez Nikki et que vous tentez de donner un coup de poing à un ennemi alors que vous vous tenez sur un ennemi déjà à terre, elle va plutôt s’accroupir pour donner son coup de poing à l’ennemi inconscient et se laisser frapper par l’autre, l’inverse est vrai pour Rick et Ashley. Il aurait peut-être fallu multiplier les ennemis qui se relèvent étourdis, quitte à donner une récompense moindre avec l’arrestation pour vraiment l’intégrer dans le système de combat plutôt que de le voir comme une simple possibilité de bonus.

Quant aux “boss finaux” on remarque une tendance à rendre le personnage invincible presque systématiquement pendant le combat, l’un des boss va pratiquement passer son temps invincible à tourbillonner ou à éviter tous les coups à l’exception d’un moment d’essoufflement ponctuel. On a donc l’impression que les boss n’ont pas été pensés pour être des ennemis nous demandant de combiner les aptitudes de joueurs obtenus pendant la progression du jeu, mais plutôt un ennemi simple, plus puissant que les autres, mais auquel il faut simplement être capable de survivre en évitant les coups et en attendant l’ouverture. Bref, on n’invite pas le joueur à évoluer pendant le jeu et à développer ses aptitudes, mais plutôt à simplement continuer de survivre.

 

En conclusion, Raging Justice n’est littéralement que la somme de ses parties. On prend des éléments connus et aimés et on les colle ensemble pour donner un jeu qui pourra plaire à ceux qui vont se réjouir de voir ces éléments ensemble, mais qui à la fin ne donne pas un “nouveau jeu”. Un joueur critique, moins enclin au divertissement simple, tirera beaucoup plus de plaisir à rejouer à ses grands et plus petits classiques des années 80-90 que de s’asseoir devant un jeu qui s’inspire, voire copie, des éléments d’une époque sans jamais aller puiser dans la nostalgie même du joueur, empêchant toute forme d’investissement ou de lien avec le jeu autre que l’envie de le battre. Bref, un retour aux sources réel, avec un inévitable sentiment de vide.

Titre: Raging Justice

Studio: MakinGames

Publication: Team 17

Année: 2018

Date de sortie: 8 mai 2018

Joué sur: Steam

Ma note : 6 / 10

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